Sous le terme de « théologie de la rétribution » , on désigne un ensemble de discours théologiques qui établissent un rapport de cause à effet entre des comportements humains considérés comme « justes » ou « moraux » et une récompense divine immédiate. Ou, pour le dire plus simplement: si tu te comportes « bien », Dieu te récompensera immédiatement; si tu te comportes « mal », Dieu te punira immédiatement. Mais, pour les tenants d’une théologie de la rétribution, l’inverse est aussi vrai, à savoir: si tu connais le malheur, c’est que Dieu te punit pour des mauvais actions ou si tu connais le bonheur, c’est que Dieu te récompense pour tes bonnes actions.
Cette manière de voir, présentée ici de manière simpliste, traverse l’histoire et s’inscrit dans une logique toute humaine au travers de nombreuses cultures et religions. Elle est encore présente aujourd’hui dans nos sociétés sécularisées, même si elle n’est plus forcément mise en relation avec Dieu. N’est-ce pas ce une forme de théologie de la rétribution que d’affirmer à propos d’un malade: « quand on voit comme il fumait, faut pas s’étonner qu’il a un cancer du poumon » ou inversement: « il n’est pas logique qu’il soit mort brusquement d’un arrêt cardiaque, lui qui menait une vie si saine »? Dans les deux cas, il est fait un rapprochement entre une attitude moralement condamnée ou valorisée et une situation personnelle enviable ou non.
Les textes bibliques contiennent des expressions qui se rapportent directement à cette théologie. Les plus explicites sont ceux qui émanent des textes dits « deutéronomistes ». Il s’agit d’un ensemble de textes de l’Ancien Testament, daté du VII au VIème siécle avant notre ère. Commençant son œuvre au moment de l’Exil, le Deutéronomiste (un nom qui désigne un collectif d’auteurs se situant dans le même courant de pensée et d’écriture), sur la base du rassemblement de traditions orales ou écrites plus anciennes et fortement influencé par la pensée et la littérature assyrienne, procède à la première synthèse historique et théologique des traditions israélites et judéennes. Il fait cela pour apporter une réponse à la question: pourquoi la catastrophe de la destruction de Jérusalem (et de son Temple), la fin de la dynastie davidique et l’exil à Babylone ? Sa réponse est simple: si ceci est arrivé c’est parce que le roi (ou le peuple ou les deux) n’a pas respecté l’alliance passée avec Dieu. Autrement dit, la situation d’Israël et de Juda est le résultat d’une punition divine pour un comportement condamnable. On se situe en plein dans une pensée rétributive.
Le Deutéronome n’est pas le seul courant biblique qui se situe dans cette pensée. La sagesse traditionnelle du Proche Orient Ancien, que partage en grande partie l’Israël antique, en est aussi imprégnée. Sur cette sagesse traditionnelle, merci de consulter l’étude N°1 du cours biblique consacré à Job. On peut aussi consulter un résumé de l’enseignement en Ancien Testament publié sur le site de la faculté de théologie de Genève.
Mais les textes bibliques contiennent aussi une contestation de cette théologie qui dialogue, dans le cadre du canon biblique, avec elle. Le livre de Job (cf. notre cours consacré à ce livre) en est l’expression la plus complète. C’est aussi le cas de l’enseignement de Jésus. (Cf. particulièrement Jean 9)
Il vaut aussi la peine de bien comprendre ce qui motive une telle théologie. Car elle se fonde sur une compréhension somme toute fondée de Dieu. A savoir que Dieu est juste et qu’il promeut la justice entre les humains. Et si Dieu est juste, il ne peut pas laisser faire ce qui apparait comme une injustice: que des comportements humains injustes demeurent impunis. C’est bien au nom d’un attachement à la justice que se développe les théologies de la rétribution. Ceci devrait servir d’avertissement à chacune et chacun: hypertrophier une ou l’autre des caractéristiques humaines conduit à défigurer Dieu. Mais avec cette dernière remarque, on aborde la question de la théodicée qui est traitée dans une autre capsule pédagogique.