Un psaume d’imprécation est une prière de malédiction qui demande à Dieu de s’en prendre aux ennemis de l’orant. C’est la prière de celui ou de celle qui souffre d’injustice et qui sollicite l’engagement de Dieu contre ses adversaires.
Dans le monde du Proche orient ancien
Les textes et inscriptions du Proche Orient ancien nous livrent de nombreux exemples de prières d’imprécation. Ces artefacts sont aussi dénommés: malédiction ou exécration. Il semble que ce genre soit une constante de la religiosité antique. On retrouve ses prières dans le monde égyptien, assyrien, babylonien et même grec. Elles suivent souvent le schéma suivant. Le priant commence par exposer la situation difficile dans laquelle il se trouve. Puis, il raconte son innocence et sa piété pour terminer par l’exposé de l’impuissance dans laquelle il se trouve. Enfin, il conclue en demandant à la divinité d’agir contre ceux qui sont la cause de ses difficultés. Il ne s’agit pas seulement d’un appel au secours ou à la délivrance. Mais l’orant lance un appel à la violence, convaincu que sa divinité peut-être à l’origine de malheurs comme des maladies, des catastrophes et bien sûr la mort.
Il convient aussi de se souvenir de la puissance vécue de la parole dans le monde antique. Prononcer une malédiction est un acte performatif. Chacun est convaincu de l’efficacité de la parole prononcée. Il en va de même pour les paroles de bénédiction d’ailleurs.
Dans la Bible hébraïque
Cette même religiosité est présente dans la Bible hébraïque, en particulier dans les psaumes. On trouve des imprécations dans près d’un tiers de ceux-ci. Par exemple, le psaume 137 (8-9): Comment chanterions-nous les chants de l’Éternel sur une terre étrangère ? Si je t’oublie, Jérusalem, que ma main droite m’oublie ! Que ma langue reste collée à mon palais, si je ne me souviens plus de toi, si je ne place pas Jérusalem au-dessus de toutes mes joies ! Éternel, souviens-toi des Édomites ! Le jour de la prise de Jérusalem, ils disaient : « Rasez-la, rasez-la jusqu’aux fondations ! ». Toi, ville de Babylone, tu seras dévastée. Heureux celui qui te rendra le mal que tu nous as fait ! Heureux celui qui prendra tes enfants pour les écraser contre un rocher.
Ou encore le psaume 139 (19-22) O Dieu, si seulement tu faisais mourir le méchant ! Hommes sanguinaires, éloignez-vous de moi ! Ils parlent de toi pour appuyer leurs projets criminels, ils utilisent ton nom pour mentir, eux, tes ennemis ! Éternel, comment pourrais-je ne pas détester ceux qui te détestent, ne pas éprouver du dégoût pour ceux qui te combattent ? Je les déteste de façon absolue, ils sont pour moi des ennemis. Il s’agit des deux exemples les plus connus de cette spiritualité .
Dans le Nouveau Testament
On ne trouve pas de textes d’imprécation dans le Nouveau Testament. Si ce n’est dans la première lettre de Paul aux Thessaloniciens (1Th 2,16). Ce dernier passage connaitra d’ailleurs une sinistre fortune dans certains discours chrétiens à propos des juifs. Il constitue un des passages clefs dans le dossier à charge de l’antisémitisme chrétien.
Au contraire, certaines paroles de Jésus prennent carrément le contrepied de la logique d’imprécation. Dans le sermon sur la montagne, Jésus dit: « Et moi je vous dis: aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent » (Mt 5,44). La logique de Jésus est aux antipodes de celles des textes d’imprécation.
On retrouve cette logique sur la croix où Jésus demande à Dieu de pardonner à ses persécuteurs (Lc 23,34).
Comment les interpréter aujourd’hui ?
La question de l’interprétation actuelle de ces psaumes d’imprécation se pose dans les termes suivants. Puisque ces textes font partie du canon des Écritures et qu’ils entrent manifestement en contradiction avec les enseignements de Jésus, comment les chrétiens et chrétiennes d’aujourd’hui doivent-ils les comprendre ? Quelle pratique est-il possible d’en tirer ?
Une réponse habituelle consiste à les considérer comme dépassés par l’enseignement de Jésus. Ils n’ont plus aucune valeur éthique normative. Ils figurent dans la Bible comme de simples témoins de l’ancienne alliance afin de faire comprendre toute la valeur de la nouvelle.
Une autre réponse s’appuie sur des constats psychologies et textuels. Elle fait tout d’abord remarquer que la violence souhaitée est remise entre les mains de Dieu qui peut souverainement décider d’en faire usage ou pas. L’orant ne demande pas le soutien divin dans un acte de violence dont il serait lui-même l’auteur. Cette prière permet donc de « vider » le désir de violence vers Dieu au lieu qu’elle pollue les relations humaines. Elle aurait donc un rôle psycho-spirituel bénéfique.
Bonjour, merci pour l’éclaircissement